Je m’appelle Arnaud, j’aurai 18 ans en mai, et j’habite à Mâcon, en Saône et Loire. Je suis en première S, dans un lycée de Mâcon.

Arnaud1Je suis dyspraxique, et très dysorthographique. D’ailleurs je ne peux pas écrire à la main, 

c’est pourquoi j’utilise un ordinateur depuis le CE2. J’ai eu une AVS jusqu’à l’an dernier. Cette année, je n’en ai pas car il y a eu un problème de dossier à la MDPH ; de ce fait cette année scolaire est très compliquée. Je vais probablement devoir redoubler, ce qui me permettra d’avoir de bonnes bases pour ma terminale.

Je souhaite devenir réalisateur de cinéma. J’ai déjà fait de la production numérique, en grande quantité, et avant je faisais de la MAO (Musique Assistée par Ordinateur). J’aime tout ce qui est dans le domaine artistique.nier. Cette année, je n’en ai pas car il y a eu un problème de dossier à la MDPH ; de ce fait cette année scolaire est très compliquée. Je vais probablement devoir redoubler, ce qui me permettra d’avoir de bonnes bases pour ma terminale.

Du coup, j’ai pour projet de faire une école de cinéma, aux Etats-Unis ou en Australie. Je ne parle pas assez bien Anglais ; c’est pourquoi je souhaite partir un an, dans un pays anglophone, pour le parler couramment. De plus, si je pars un an cela me permettra de passer un bac américain ou australien, nécessaire pour rentrer dans une école dans ces pays.


dfdnational_003logo20percent_coul_rvbDe quoi souhaites-tu nous parler
 ?

En octobre dernier, je suis allé passer une semaine en Russie.

Arnaud2En fait, mon arrière-arrière-grand-père est très connu en Russie. Il s’appelait Konstantin Ouchinsky, et était un grand savant et écrivain russe nommé « le maître des maîtres russes ».1 Beaucoup de personnes, dans le monde entier, s’inspirent encore de ses travaux. C’est lui qui a instauré l’enseignement pour les femmes, ainsi qu’une pédagogie plus moderne, actuelle, alors que c’était très strict à son époque2.

L’université de Yaroslavl, qui porte son nom, m’a invité à l’occasion de la semaine de la littérature ; je suis en effet son dernier descendant. La cousine de mon père, qui vit en Italie, elle-même grande artiste, a illustré par des dessins le livre de K. Ouchinsky (qui était donc son grand-père). Elle a été invitée, avec moi, pour présenter ce livre, qui pour l’occasion a été imprimé en plusieurs milliers d’exemplaires et distribué dans les écoles, bibliothèques, établissements d’enseignement supérieur du pays.

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J’étais donc à Yaroslavl, ville d’environ 600 000 habitants qui est située à peu près 300 kms au nord de Moscou.

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Mon ancêtre y a vécu. J’ai reçu un accueil incroyable. Mon séjour était planifié comme pour une personne importante. En effet, les journées étaient bien remplies. Tous mes déplacements se faisaient en voiture diplomatique accompagné de notre organisateur, d’un recteur d’université, de la directrice du musée, d’un caméraman et de mon interprète ; je me déplaçais en bonne compagnie. Nous nous rendions dans des grandes écoles ; nous avons rencontré le Maire de Yaroslav ainsi que des éditeurs, j’ai été interviewé par la presse… ma photo figure dans les musées car je représente la descendance de ce pédagogue. De grandes conférences ont été organisées à cette occasion, et j’ai était impressionné d’y participer. Elles ont été diffusées à la télévision.

L’université de Yaroslavl, qui ma invité, a tout pris en charge sur place (hôtel, restaurant, visites…) mais j’ai dû tout organiser en France, ce qui est relativement compliqué et stressant. Par exemple le visa, que je n’ai eu que la veille de mon départ. J’ai dû aller à Lyon pour les démarches administratives. Saviez-vous qu’avec Cuba, la Russie est le pays dans lequel il est le plus difficile d’entrer ?

Je ne parle pas russe. Je parlais donc anglais, et étais souvent accompagné par la meilleure étudiante du département de français de l’université. Elle m’a suivi toute la semaine. Elle avait 21 ans, très sympa…

J’en retiens une expérience personnelle, humaine, extrêmement riche. J’ai découvert un pays que je ne connaissais pas, alors que c’est le pays d’origine de mon père. J’ai vraiment été super bien accueilli, j’ai rencontré beaucoup de personnes. J’ai ramené tellement de cadeaux que ma valise ne pouvait presque plus se fermer et que je n’étais pas sûr de ne pas dépasser le poids maximum pour l’avion ! Les russes sont des gens très chaleureux, ils étaient très contents de me recevoir. Je me rappelle par exemple de Sergueï, qui s’occupe du musée ainsi que des recteurs, qui m’ont reçu avec une chaleur à laquelle je ne m’attendais pas, moi petit Français qui découvrait pour la première fois le pays.

Le monde universitaire m’a beaucoup intéressé, aller dans différents cours et être si bien reçu !

J’avais déjà beaucoup voyagé, c’est pourquoi quand on m’a proposé le voyage en Russie j’ai sauté sur l’occasion. J’ai pu monter aussi une vidéo de ce séjour à l’aide des photos et vidéos ; j’adore ça. De retour, je suis resté en transit à Rome et j’ai pu passer 2 jours à visiter cette belle ville, prendre des repas au restaurant et être un jeune touriste autonome.


dfdnational_003logo20percent_coul_rvbTu peux me dire pourquoi tu as beaucoup voyagé
 ?

En fait, je voyage depuis que je suis jeune. Ma mère est originaire de la Réunion, j’ai pris l’avion seul pour la première fois à 12 ans pour cette destination. Par ailleurs, depuis mes 6 ans, je participe à des séjours en colos qui m’ont permis de découvrir la France, de faire le tour du Mont Blanc…et de voir d’autres horizons. Les deux dernières étaient géniales, j’ai visité presque toute l’Europe, de Stockholm au Bosphore d’Istanbul. Maintenant, j’ai envie de rencontrer d’autres cultures et de visiter de nouveaux pays.

Cela permet de relativiser énormément de choses. On prend conscience que le monde ne s’arrête pas à sa chambre ou son lycée, et qu’il y a bien d’autre choses que son téléphone et son ordi. En visitant la Roumanie ou la Bulgarie, par exemple, j’ai vu des gens heureux malgré la pauvreté.


dfdnational_003logo20percent_coul_rvbEst-ce que tu veux nous parler de ton projet d’étude
 ?

Je pense passer un bac S, mais avant de rentrer en terminale je vais faire une « gap year3» dans un pays anglophone, afin de parler couramment anglais. Je veux faire une école de cinéma dans un pays comme les USA ou l’Australie, car là-bas, ces études sont beaucoup plus pratiques, avec des stages, etc. La réalisation, dans le cinéma, est un des domaines les plus artistiques. Je veux m’imprégner de la culture américaine, anglo-saxonne, pour réaliser des films qui, vous feront peut-être rêver un jour. J’ai conscience que pour réussir il faut avoir un gros réseau, voyager pour rencontrer des gens ; ce n’est pas un problème, j’adore ça. Au contraire…

Dans mon lycée, et plus précisément dans ma classe, nous avons eu la chance pendant un an d’accueillir deux étudiantes étrangères, une américaine et une thaïlandaise. Je trouve que d’aller au lycée à l’étranger est une super formule, mais cela coûte très cher. Alors j’ai pensé faire du woofing4. En fait, j’ai de la famille en Australie. Une cousine, que je connais très peu, qui a une grande exploitation à 400 km de Sydney. Ils accueillent déjà des woofer, et pourraient donc m’accueillir dans ce cadre. Ce sera toujours positif, et je pourrais dire que j’ai une expérience « sociale ».


dfdnational_003logo20percent_coul_rvbQuand je t’écoute parler Arnaud, avec tous tes projets, je me demande si tu ne serais pas hyperactif
 ?

En fait, j’ai un peu la phobie du temps qui passe. J’ai peur de louper, de passer à côté de ma vie, alors que je sais que j’ai déjà fait beaucoup de choses. Le seul moyen d’avoir l’impression de bien profiter de mon temps, c’est de le combler, mais plus je le comble, plus j’ai l’impression qu’il passe vite !

Oui, je suis hyperactif. A l’école primaire c’était très difficile, mais depuis que je suis au lycée ça va mieux, les échanges entre les élèves et les profs sont bien plus constructifs.

C’est comme pour la dyspraxie. J’ai un très gros problème d’organisation, c’est une catastrophe. Quand je partais en colo avant c’était un vrai problème, je m’embrouillais de partout. Il fallait toujours qu’il y ait un moniteur qui soit au courant de mes difficultés, pour qu’il puisse m’aider. A force, je me suis amélioré, j’ai trouvé des méthodes pour faciliter les choses.

Au niveau scolaire c’était pareil. C’est pour ça que j’ai redoublé le CE2. L’institutrice qui s’occupait du niveau au-dessus, donc du CM1, a eu peur de m’avoir dans sa classe, un élève avec un ordinateur ! Bien évidemment, le redoublement n’a rien changé à mes difficultés. L’année suivante, j’ai eu cette enseignante ; elle m’appréciait beaucoup, si bien qu’elle a dit à mes parents, qu’elle me verrait « grand reporter » car j’étais excellent à l’oral. Elle m’a même mis 23/20 pour un exposé, car j’ai beaucoup de mémoire et d’humour ! Mes copains de classe me nommaient « Claire Chazal ».


dfdnational_003logo20percent_coul_rvbJe me demande si tu n’es pas également pré
coce, à cause de ta maturité par exemple

En effet, je suis précoce et cela m’a permis de vivre pleinement ces voyages, et surtout de m’adapter. Tout cela m’a donné plus de maturité.


dfdnational_003logo20percent_coul_rvbAs-tu un message à faire passer
 ?

Il ne faut absolument pas passer à côté d’une opportunité de voyager et de rencontrer d’autres cultures. Si on vous propose de partir quelque part, acceptez ! Vous vous rendrez vite compte, que le monde est immense, et imprévu… il nous attend les bras ouverts. C’est très important. Mais attention ! Plus on voyage, plus on veut repartir, c’est un cercle vertueux !

Alors je vous souhaite à tous de pouvoir découvrir de nouveaux horizons, cela aide à relativiser la vie. Par ailleurs, en ce moment j’ai de grandes difficultés scolaires. Alors je pense à mon voyage en Australie.

C’est merveilleux !

La parole à Véronique, sa maman

Arnaud a beaucoup d’énergie et de créativité. Les voyages sont son moteur depuis qu’il a 10 ans. En ce moment nous traversons des moments difficiles, de soucis familiaux, de santé. D’avoir un projet, permet en effet à Arnaud de se recentrer et de lui donner plus confiance. Comme il est volontaire, il s’accroche à à ses idées.

Depuis qu’on a su qu’Arnaud présentait un « dys », nous avons toujours cru aux capacité de notre fils. En tant que parents, nous nous démenons mais par moment, c’est si éprouvant et parfois frustrant. Nous n’avons pas les intervenants qu’il faut : nos demandes ne sont pas entendues ou comprises. C’est essentiel d’avoir un réseau (scolaire, extra-scolaire, social, médical, spécialiste,… associatif) pour prioriser les besoins de nos jeunes. Ce socle permet aux parents d’avoir du répit et d’harmoniser l’environnement familial. C’est ainsi que nos jeunes peuvent trouver un équilibre et avoir des ressources pour s’épanouir.

Notre fils, Arnaud a toujours su s’adapter ou se « sur-adapter » à certaines situations. Il vit pleinement des aventures-expériences pour expérimenter sa vie d’ado. Aujourd’hui, il a plus d’assurance.

Avant tout, en tant que parent, c’est primordial de prendre soin de soi. Se permettre d’être vulnérable aussi comme un enfant, pour oser demander de l’aide quand c’est nécessaire tout en commençant par accepter ses failles en sachant les reconnaître. Par moment, si nous perdons nos forces, nous devrions nous appuyer sur des personnes ressources. Je pense que la vie est là pour nous tendre des moments forts. En observant nos enfants, ils nous donnent des cadeaux en permanence par un sourire, leur spontanéité, leur naturel ; les émotions sont tellement naturelles et nous devons les voir. Ils nous donnent de belles leçons et du courage pour avancer.

Aujourd’hui, nous sommes heureux qu’Arnaud ai pris une autonomie et continue à se projeter. Ce n’est pas facile tous les jours mais avec de la détermination, il arrive à trouver ses propres solutions : quelle belle reconnaissance !

Nous sommes reconnaissants aux personnes, professionnels, institutions qui nous ont si bien soutenus.

Nous remercions tout particulièrement DFD. Nouveaux adhérents, nous aurons le plaisir d’échanger.

1 Considéré comme l’inventeur de la pédagogie scientifique en Russie

2 Il vécut de 1824 à 1871

3 La « gap year », commune dans les pays anglo-saxons, est une rupture dans le parcours scolaire

4 Définition Wikipédia : « Le WWOOF ou le woofing (de l’anglais « World-Wide Opportunities on Organic Farms ») est un réseau mondial de fermes bio. Créé en Angleterre en 1971, il s’est étendu dans le monde entier. Des hôtes qui se proposent d’accueillir des WWOOFers pour partager leurs connaissances, leur savoir-faire, leur quotidien et leurs activités avec la possibilité pour ces derniers de se voir offrir le gîte et le couvert. »