Pourquoi s’intéresser à cette question des compensations raisonnables dès le stade de l’orientation ? Parce que le terme raisonnable implique que toutes les compensations ne seront pas possibles au regard de la loi et de sa jurisprudence, même si un grand nombre le seront : ce caractère raisonnable aura une incidence dans le choix de l’orientation de l’élève.

Nota : peu de métiers ne sont pas accessibles à l’ensemble des personnes en situation de handicap. La liste de ces ECAP (Emploi nécessitant des Conditions d’Aptitude Particulières) a été révisée au début des années 2020 (cette révision n’avait pas été effectuée depuis 1988) mais n’a jamais été publiée, elle comporte encore une soixantaine d’emplois. Les associations voudraient sa suppression pour un certain nombre de raisons : les évolutions technologiques, la meilleure connaissance des handicaps, le fait que l’impossibilité d’exercer ces emplois dépend du type de handicap et de sa sévérité chez chaque personne.

Que recouvrent les 3 niveaux de compensation (essentiellement en emploi) ?

  • d’entreprise : l’entreprise aide la personne à s’adapter. Par exemple, ne pas contraindre à effectuer des déplacements, proposer des temps de pauses, aider au repérage des locaux de l’entreprise, etc. ;
  • d’équipe : l’équipe aide la personne à s’adapter. Par exemple, instaurer un système de tutorat, dispenser de certaines tâches validées par l’équipe ;
  • individuelle : la personne s’adapte. Par exemple, la personne trouve des astuces et utilise ses propres outils et méthodes pour mémoriser, planifier, s’organiser, se repérer, etc.

 

Que recouvrent les 4 types de compensation (en emploi et en formation) ?

  • technique : matérielles ou logicielles, les plus simples à mettre en œuvre, les plus souvent évoquées, possibilités de financement par l’AGEFIPH (Association nationale de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées), le FIPHP (Fonds pour l’Insertion des Personnes Handicapées dans la Fonction Publique)
  • organisationnelle : réduction du temps de travail, aménagement des horaires, modification de l’organisation du travail, adaptation des objectifs de production individuelle ;
  • humaine, de management/comportement/psychologie : prise en compte de l’intégralité de la personne, accompagnement spécifique ;
  • de formation : apport des compétences manquantes à un salarié handicapé pour lui permettre d’obtenir ou de conserver un emploi.

Le principe et la typologie de ces compensations peuvent également être utilisés en formation, et par exemple dès le collège et le lycée.

Les compensations techniques n’appellent pas de commentaire particulier pour les personnes avec TDC, elles sont largement connues, utilisées et financées. Par contre, il est intéressant de décliner quelques propositions de compensations organisationnelles (qui seront à adapter pour chaque personne) :

  • réduire le temps de travail : il apparaît de manière de plus en plus prégnante que les personnes avec TDC ne peuvent pas travailler à temps plein de manière durable ;
  • aménager les horaires pour ménager des temps de pause afin de pallier la fatigabilité des personnes avec TDC ;
  • limiter les déplacements, là aussi pour des raisons de fatigabilité et bien souvent de difficultés voire d’impossibilité de se déplacer en conduisant une voiture ;
  • privilégier la mono-tâche pour permettre la concentration, lors d’activités faisant appel à la motricité manuelle ;
  • prévoir une adaptation de l’organisation du travail du collectif : faire prendre en charge par le collectif des tâches pour lesquelles la personne avec TDC éprouve des difficultés et en contrepartie, lui affecter des tâches qu’elle réalise aisément ;
  • adapter les objectifs de production individuelle pour tenir compte de la fatigabilité.

Caractère raisonnable des compensations (rapport du Défenseur des Droits Jacques Toubon à ce propos début 2018) : « les modifications et ajustements nécessaires et appropriés n’imposant pas de charge disproportionnée ou indue apportés, en fonction des besoins dans une situation donnée, pour assurer aux personnes handicapées la jouissance ou l’exercice, sur la base de l’égalité avec les autres, de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales ».

Les compensations sont contextualisées à une personne et à une situation professionnelle donnée.

Le refus de l’employeur de prendre des mesures d’aménagement raisonnables peut être constitutif d’une discrimination sauf s’il démontre qu’elles constituent, pour lui, une charge disproportionnée. La charge disproportionnée s’apprécie en tenant compte, notamment, des coûts financiers et autres (exemple : impact sur l’organisation de travail) que ces mesures génèrent pour l’organisation ou l’entreprise au regard de sa taille et de ses ressources propres, mais aussi de la possibilité pour l’employeur d’obtenir des aides financières ou autres, notamment celles accordées par les fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH et FIPHFP).

Donc, il n’existe pas d’emploi qui soit a priori impossible à envisager pour une personne avec TDC, du fait de son TDC. Par contre, les compensations à mettre en œuvre seront plus ou moins importantes et raisonnables selon cette personne, l’emploi et le contexte dans lequel il s’exerce. Et c’est à chaque personne d’évaluer si elle souhaite s’engager vers tel ou tel emploi à partir des informations et des expériences dont elle dispose. Par exemple :

  • un nombre important de personnes avec TDC sont attirées par le métier d’aide-soignant(e). Toutefois, la pratique montre que beaucoup de celles qui s’y engagent actuellement finissent pas renoncer : les contraintes de productivité du secteur dans lequel cet emploi s’exerce font que les compensations organisationnelles dont les personnes avec TDC ont besoin ne sont généralement pas mises en œuvre dans certains contextes professionnels d’exercice de cet emploi. Une analyse concernant le caractère disproportionné ou non des compensations organisationnelles à mettre en œuvre selon le lieu d’exercice de l’emploi est alors à mener ;

 

  • il existe des organisations du travail qui nécessitent pour chaque salarié de réaliser l’ensemble des tâches attendues dans son emploi et il n’y a pas de travail en équipe qui permettrait par exemple d’organiser une permutation d’un certain nombre d’activités entre la personne avec TDC et ses collègues. Du coup, la personne avec TDC pourrait se retrouver à effectuer des tâches dangereuses pour elle (machines par exemple) ou pour les personnes avec lesquelles elle est en relation (auxiliaire de puériculture), engendrant un manquement à l’obligation générale de sécurité de l’employeur.